Adolescence, violence et terrorisme : la genèse de la haine

Adolescence, violence et terrorisme : la genèse de la haine

Interdisciplinarité par le dialogue entre psychologie et sociologie

Collaboration d'Alessandra Zambelli, Responsable Formation de l'Institut, à la Revue OT (OSSERVATORIO TERRORISMO) de l'ANSSAIF*

*Association Nationale Italienne des Spécialistes de Sécurité et Agence d’Intermédiation Financière

L’ébauche d’un dialogue interdisciplinaire tel que l’encourage l’IAAP dans sa volonté d’une épistémologie d’ouverture et d’interrelations théoriques et pratiques.

Journée Scientifique 3/6/2017

Journée Scientifique 3/6/2017

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« C’est avec un enthousiasme rigoureux que je me permets de souligner l’accueil rare et fin de M. Pietro Blengino, Rédacteur en Chef de la Newsletter OT Osservatorio sul Terrorismo (Observatoire sur le Terrorisme), membre du Conseil Directif de l’ A.N.S.S.A.I.F. (la plus importante association italienne d’experts de sécurité bancaire et financière), et membre du Comité de Pilotage OSSIF – A.B.I. (Association Bancaire Italienne).
En m’écrivant pour me remercier, ainsi que l’Institut Alfred Adler de Paris, pour la brève mais riche réflexion sur ”la genèse de la haine“, publié sur la Newsletter n° 8 de l’Osservatorio Terrorismo (OT – Observatoire du Terrorisme), M. Blengino a su mettre en évidence l’efficacité de l’interdisciplinarité, en particulier sur des sujets très concrets comme la sûreté et le terrorisme.
Cette affinité méthodologique spontanée (et quelque peu insolite) est précieuse, car de ses perspectives diversifiées, est née une coopération de recherche scientifique, afin d’approfondir et publier sur ces thématiques de violence et d’adolescence. Thématiques que nous abordons dans le cadre de nos formations, par le biais de journées scientifiques (comme celle du 3 Juin 2017) ou de modules spécifiques (comme le module « Ado, violence et terrorisme » inclus dans notre nouvelle formation à l’accompagnement adlérien qui débute à l’automne 2018).

Avec leur aimable autorisation, nous publions ici la traduction des textes en italien extraits de l’Editorial et de l’Introduction de la Newsletter n° 8 de l’Osservatorio Terrorismo, rédigés par le Rédacteur en chef M. Pietro Blengino. Nous publions à la suite notre article « j’ai failli devenir terroriste ». »

Mme Alessandra Zambelli
Responsable Formation IAAP

Editoriale Revue OT

NOTA DELLA REDAZIONE

In questa newsletter, raccogliamo alcune recensioni redatte da colleghi che hanno aderito all’Osservatorio. Noi continueremo nel recensire testi di possibile interesse degli iscritti, e a proporre temi per stimolare il dibattito. Attendiamo i vostri contributi!

Osservatorio Terrorismo – Newsletter numero 8

Editoriale Osservatorio Terrorismo 8

Pietro Blengino (Caporedattore),
ANSSAIF, Associazione culturale

Editorial de la Revue OT

NOTE DE LA REDACTION

Dans ce bulletin, nous présentons des contributions rédigées par des collègues ayant rejoint l’Observatoire. Nous continuerons d’examiner les textes susceptibles d’intéresser les membres et de proposer des thèmes pour stimuler le débat. Nous attendons vos contributions!

Observatoire du terrorisme – Newsletter numéro 8

Editorial du Bulletin de l'Observatoire du Terrorisme, numéro 8

Pietro Blengino (Rédacteur en Chef),
ANSSAIF, Association Culturelle

Introduzione alla newsletter n.8

INTRODUZIONE ALLA NEWSLETTER N 8 DI OT

Partendo dalle riflessioni introdotte nell’editoriale, abbiamo voluto costruire l’ottavo numero della newsletter OT cercando di ampliare gli orizzonti del nostro lavoro analizzando alcuni aspetti sociali, culturali ed economici che dobbiamo imparare a leggere anche come campanelli di allarme. Proprio a supporto di questo ambizioso traguardo ci siamo soffermati su aspetti internazionali che hanno avuto lo “svantaggio” di provare prima di noi, e sulla loro pelle, il confronto con il nuovo modello terroristico.

Osservatorio Terrorismo – Newsletter numero 8

Introduzione alla newsletter n.8

Pietro Blengino (Caporedattore)
ANSSAIF, Associazione culturale

Introduction à la newsletter n.8

INTRODUCTION A LA NEWSLETTER N 8 DE L’OT

A partir des réflexions introduites dans l’éditorial, nous avons voulu construire ce huitième numéro de la newsletter OT en cherchant à élargir l’horizon de nos travaux par l’analyse des aspects sociaux, culturels et économiques que nous devons apprendre à lire aussi comme des signaux d’alarme. Pour soutenir précisément cet objectif ambitieux, nous nous sommes concentrés sur les aspects internationaux, qui ont eu le “désavantage” d’expérimenter avant nous, et donc directement ‘dans leur peau’, la comparaison avec le nouveau modèle terroriste.

Observatoire du Terrorisme – Newsletter numéro 8

Introduction du Bulletin de l'Observatoire du Terrorisme, numéro 8

Pietro Blengino (Rédacteur en Chef),
ANSSAIF, Association Culturelle

L'IAAP

L’Institut Alfred Adler de Paris (IAAP) s’est donné pour mission de favoriser le développement de la psychologie adlérienne et le rayonnement de la pensée d’Adler, en encourageant la recherche, en diffusant le savoir, en organisant la formation et en fédérant les professionnels adlériens.

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J’ai failli devenir terroriste !

Réflexion brève, sur la nature socioéconomique et psychique de la matrice terroriste.

«Vous savez, Madame, j’ai failli devenir terroriste!»

Ces mots lourds, lucides, et apparemment sans appel, ont démarré une séance avec un patient dans mon cabinet du département 93: le Bronx de Paris. Un homme jeune, dont les yeux montraient une dureté plus mature.

Des mots qui étaient le signe d’un grand danger et, en même temps, la ligne de démarcation d’une vraie prise de conscience, d’un risque passé d’une façon ou d’une autre ainsi je me sentais de l’affronter avec une certaine sérénité.

«J’aurais voulu faire payer ma souffrance, ma rage, dans un monde où j’aurais répondu à l’injustice par la vengeance – continuait Ahmed (nom changé par respect pour l’intimité du patient) – tentant de se libérer du poids de la violence dans laquelle il avait grandi – cette société se fonde sur l’injustice, sur le principe de laisser les derniers toujours en dernier, de ne jamais donner la possibilité de se racheter, alors on devient victime de soi-même et la moindre des choses que tu peux faire est de t’abandonner. Il y en a qui le font par les drogues, d’autres avec l’alcool, moi, comme musulman, je le fais par la nourriture, en mangeant dans un très court laps de temps 1 kilo d’épinards surgelés et 8 hamburgers de premier prix».

Voilà le portrait de l’homme que j’avais devant moi, un homme en souffrance qui avait fait le choix le plus important de sa vie : se tenir devant un thérapeute pour trouver le bon moyen de sortir de sa haine et de son mal-être.

Il l’avait fait avec conviction, en choisissant un professionnel privé plutôt qu’une structure sociale publique ; un élément qui en soi reflétait à la fois une importante détermination et un manque de confiance dans la société et dans sa capacité à lui pouvoir l’aider.

Ahmed n’avait pas eu l’opportunité de poursuivre ses études, et, comme beaucoup d’enfants d’immigrés de la 3ième génération, bien que né en France, il vit encore entre deux mondes séparés par une profonde fracture culturelle.

Il eut une enfance désorganisée et difficile, avec des parents eux-mêmes enfants d’émigrés maghrébins ayant vécu l’important décalage culturel et social des deux sociétés d’appartenance comme un trauma banalisé, une évidence, qui vivaient ce sentiment de malaise comme une maltraitance sociale qu’ils déversaient inexorablement en famille.

Ainsi, sans s’en rendre compte, il s’est retrouvé sur un chemin où la haine n’est que la manifestation finale d’une rage accumulée au fil des jours, copieusement nourrie par les injustices familiales et sociales quotidiennes et par un contexte vide d’appartenance : un malaise transgénérationnel.

Un autre de ses mots m’a marqué, qui exprimait l’effort énorme et la force extraordinaire que ce grand garçon utilisait dans un des parcours évolutifs les plus complexe, celui du changement : «Madame, il est difficile d’évoluer seul, tellement injuste d’être toujours attaqué, de ne pas réussir à s’exprimer soi-même, d’être dans la contrainte quotidien de devoir lutter contre une société qui élève constamment le niveau de difficulté, où la bureaucratie complique tout et où on se fatigue au point que les principes… ne me parlent plus, même plus ceux du Coran !»

A cet instant, toutes ses blessures me sont apparues : «Ahmed, vous m’enseignez, et avec le Coran, que cette dureté, cette fatigue peut se transformer en orgueil, qui n’est que le déguisement du sentiment d’infériorité, paradoxalement imaginaire et relationnel à la fois, parce que sollicité concrètement par votre famille, par le milieu où vous travaillez, par la société toute entière qui porte la responsabilité évidente de ne pas réussir à cultiver le seul antidote possible : le sentiment d’appartenance. Mais la colère est la réponse qui ne récompense pas votre intelligence, votre effort d’être ici et votre lutte pour le changement».

Il me répondit avec un regard pénétrant : «La rage me fait me sentir vivant, après tout c’est de leur faute et moi je suis seul à affronter le changement!»

Les yeux dans les yeux, je lui offris mon sincère respect : «Ahmed, vous l’avez déjà fait, vous avez déjà gagné, aujourd’hui vous êtes ici car votre changement a déjà démarré. Cette colère veut seulement trouver une voie de sortie. Vous devrez construire votre vie, et chercher les satisfactions refusées : vous obtiendrez votre diplôme et vous ferez votre concours d’infirmier car, même si personne vous l’a jamais dit, vous en avez les capacités, autrement vous ne seriez pas ici. Prenez cette colère, canalisez-la et transformez-la en créativité. Prenez aussi l’exemple des rappeurs de banlieues».

Ainsi commença son chemin vers le changement, jusqu’à l’une des dernières séances où il me dit : «En réalité, Madame, pendant ces mois passés, avec le dialogue, la confrontation, la découverte de la possibilité d’être écouté et compris, j’évolue jusqu’à pouvoir comprendre que le parcours de cette colère qui conduit à la haine nous est commun. Mais celui qui n’a pas la possibilité d’éprouver le changement est susceptible d’être exposé à des pressions extérieures qui veulent exciter notre propre mal-être à des fins… personnelles sans scrupules ni valeurs».

Quelques années se sont écoulées, aujourd’hui Ahmed est infirmier et a même réussi à être élu « représentant des étudiants » pendant ses 3 ans de formation, il a une compagne et de nouveaux amis, il est toujours musulman et respecte le Coran, il a appris à rassurer et transformer sa colère, et l’infériorité qui l’animait, en détermination positive et en responsabilité, sortant ainsi du sentiment d’injustice et d’impuissance. Ce n’est pas le mérite du thérapeute, car chaque patient est l’architecte de son propre changement, mais deux demandes demeurent dans mon esprit : combien d’Ahmed ne nous ont pas encore cherché ? Et pourquoi ?

Dott.ssa Alessandra Zambelli
Supervisore Psicoterapeuta Analista Adleriana e
Responsabile della Formazione
Institut Alfred Adler de Paris (IAAP)

https://institut-alfred-adler-paris.fr