Lexique Encouragement

Lexique Encouragement

ENCOURAGEMENT (Technique de l’Ermutigung)

Je pense qu’il s’agit de la vraie brique adlérienne de la psychothérapie dynamique contemporaine, donc l’authentique différence à sauvegarder vis-à-vis de la thérapie freudienne originairement conçue. Si Adler avait déjà compris que le patient venant chez le médecin montrait immédiatement son sentiment d’infériorité naturel et que le faire allonger pour le faire parler de sa profonde intimité ne correspondait pas toujours à une pratique facilitant la communication, il a commencé à réfléchir au cadre et aux techniques pour mieux permettre cette communication si sensible. Sa réponse a été un cadre face-à-face et dialoguant, auquel il a su ajouter une attitude du thérapeute pour prendre en charge le besoin universel de l’homme d’être conforté, soutenu et approuvé par les autres. La technique thérapeutique de l’encouragement ne vise donc pas de comportements spécifiques que le thérapeute devrait adopter, mais une attitude sur la forme en relation aux caractéristiques différentes pour chaque patient. On peut décrire – métaphoriquement – cette technique de l’encouragement comme l’envers de la neutralité, bien que les deux cherchent à offrir au patient un cadre respectueux de sa personnalité. Mais l’encouragement a été introduit pour permettre de sécuriser la personne, en la faisant se sentir soutenue par une authenticité relationnelle, pour chaque patient et à chaque fois posée d’une manière créative et sensiblement nouvelle, et par là lui évitant ses détours négatifs régressifs et habituels. Le patient peut vivre ainsi une relation où l’autre est enfin en connexion avec ses émotions, autant négatives que positives, ses besoins, ses difficultés, ses impulsions, sans se défiler devant son agressivité et sans faire à sa place. Progressivement le patient peut restructurer sa distance interne et externe – car les deux vont ensemble – travaillant implicitement, dans la relation thérapeutique, les détours du sentiment d’appartenance, Gemeinschaftsgefühl (sub voce).
Aujourd’hui on peut identifier comme technique d’encouragement différentes modalités thérapeutiques allant des techniques de support et d’accompagnement, aux techniques relationnelles centrées sur les moments présents de la séance, aux techniques comportementales d’analyses des contextes spécifiques.

Lexique Fiction

Lexique Fiction

FICTION (Fiktion)

La notion de fiction est le concept sur lequel Adler construit son paradigme psychique autonome de Freud. Ce concept lui apparaît dès 1911, suite à la lecture immédiate qu’Adler avait pu faire de la Philosophie du comme si (Die Philosophie du Als ob) du grand kantien et pragmatiste allemand Hans Vaihinger. La fiction est une forme de représentation visant l’action, afin de la rendre efficace et coordonnée aux valeurs mentales, au delà même de la réalité de cette représentation. La fiction s’oppose ainsi à l’hypothèse qui demande à être validée scientifiquement car inhérente à la connaissance de la réalité.
Ainsi la fiction peut arriver à être également une hypothèse de travail et à ce titre, assumer une valeur heuristique, même si elle se positionne d’une manière paradoxale par rapport à la réalité. Pour Vaihinger les fictions sont une manifestation de la force créative de l’âme et en même temps de son imperfection : elles signalent l’atteinte douloureuse de l’incertitude relativement à la réalité.
Chez Adler, la fiction s’avère la structure unifiant les attitudes mentales du sujet, perceptions – représentations– sentiments – idées, largement inconsciente (sub voce Fiction Directrice). La fiction représente un outil évolutif de la construction de la réalité, exprimant la tendance consciente et inconsciente de la psyché à anticiper en vue de l’action et n’en est pas la déviation. C’est la structure même de la psyché adlérienne.

Lexique Fiction Directrice

Lexique Fiction Directrice

FICTION DIRECTRICE (leitende Fiktion)

Adler a pu trouver dans les idées de Hans Vaihinger (sub voce Fiction) le paradigme conceptuel le plus apte à l’articulation de sa propre conception de l’inconscient. En effet, l’individu vit comme si un but inconscient guidait son psychisme. Ce but se modèle d’une façon non rigide dans les premières années de la vie, autant par la compensation psychosomatique des caractéristiques corporelles (dont les insuffisances organiques ont une valence prioritaire) que sous et par les relations éducatives (sub voce Education) du milieu familial et social. La capacité de maintenir, dans l’âge adulte, cette fiction directrice souple et ouverte sauvegarde l’équilibre psychique.

Lexique Fiction Tendancieuse ou Renforcée

Lexique Fiction Tendancieuse ou Renforcée

FICTION TENDANCIEUSE OU RENFORCEE (Tendenziöse Fiktion)

La fiction tendancieuse de ‘l’idéal de la personnalité comme but’ se construit grâce à l’élimination purement imaginaire autant de l’infériorité, source de perturbations, que de la réalité, source d’obstacle et d’empêchements. Alors l’individu assume des traits de caractères typiques du but choisi, de la même façon que le masque de caractère, persona, du tragédien antique. Il s’agit d’une fiction directrice devenue un mécanisme de défense figé et donc pathologique. L’individu ne peut plus disposer d’elle. Au contraire, elle a pris la place de ‘loi’ antérieure rigide et tyrannique.

Lexique Finalisme ou Téléologisme

Lexique Finalisme ou Téléologisme

FINALISME (ou TELEOLOGISME)

Dans le système adlérien, la structure humaine, gérée par la fiction, apparaît en premier lieu comme appareil de défense et d’attaque, formé ou adapté par les limites de son milieu et les besoins de son organisme. Une fois la satisfaction organique atteinte, selon ‘le principe de plaisir’, l’enfant présente encore un fort besoin de sécurité et d’orientation ou de repérage qui ne le quittera plus jamais. C’est bien la vie dans cette tendance fondamentale qui constitue la causa finalis où s’engage chaque individu, qui doit lui-même incarner une ‘forme’ de cette tendance téléologique.
Ce téléologisme imprègne la vision unitaire de la personnalité, pour faire en sorte que le principe de causalité et le principe de finalité réalisent deux angles de vue complémentaires, mais aussi un regard unitaire sur l’homme, qui détermine sa propre ‘forme finale’, où repose la reconnaissance d’une personnalité définée, ‘totale’ et ‘holistique’ [Adler lecteur de Holism and Evolution de Smuts (1926)]. La théorie de l’unité de la vie mentale est à même d’expliquer aussi le pathologique.

Lexique Hermaphrodisme Psychique

Lexique Hermaphrodisme Psychique

HERMAPHRODISME PSYCHIQUE

(Psychischer Hermaphroditismus)

Adler avait depuis 1910 proposé ce mot pour signifier une utilisation symbolique des caractéristiques sexuelles secondaires du sexe opposé en fonction d’une opposition inconsciente comme compensation d’une sensation d’infériorité subjective. Ce terme ne doit pas être lié à la thématique sexuelle organique de Fliess, ou à une forme de perversion.
L’hermaphrodisme est une nouvelle perspective de l’identité sexuelle. Elle prend ses racines dans la dimension culturelle et sociale, où le sujet exerce son choix à partir d’un schématisme dichotomique : plus/moins, fort/faible, adulte/enfant, masculin/féminin, actif/passif, agressif/doux, dur/sensible.
L’hermaphrodisme psychique est donc le mot qu’Adler utilise pour décrire cette double présence chez l’enfant de traits agressifs, assimilés à la virilité, et de traits passifs, associés à la féminité. Il s’agit d’une métaphore sexuelle qui épouse son penchant culturel pour souligner un axe symbolique dichotomique sur lequel l’individu construit son identité. La fiction directrice, suivant cet axe symbolique, se structure d’une façon antinomique. Elle assimile la tendance à superposer à la réalité ce schéma oppositif, pour viser clairement, mais au risque de dogmatisme, les valeurs de la force et de la faiblesse. Cette absence de cohérence intérieure représente le prototype et le fondement des plus importants phénomènes psychiques. Plus le sentiment d’infériorité est présent chez l’enfant, plus cette opposition devient rigide, voire phobique et obsessionnelle. Si l’axe est fluide, il est le signe que l’identité sexuée n’a pas subi l’emprise d’un intense besoin de sécurité stimulé par un sentiment d’infériorité exacerbé. Les individus vont parfois vers la direction féminine et parfois vers la masculine. En fonction de la direction prise, ils font des efforts pour rejoindre une cohérence avec eux-mêmes. Cette prise de position donne lieu à un compromis : un comportement féminin chez les hommes et un rôle viril chez les femmes, ou plutôt une coexistence seulement en apparence casuelle des traits virils et féminins.

Lexique Inconscient

Lexique Inconscient

INCONSCIENT

(das Unbewusste)

Fidèle à son penchant holiste (Goldstein), Adler n’envisage pas une structure psychique qui voit la conscience en opposition à un inconscient, et pour autant il sait que l’homme n’est pas ‘maître chez soi’. Dans le Livre de la santé pour le métier de tailleur de 1898, la notion de cette ‘entité’ n’apparaît même pas, ni dans les articles d’avant 1904. D’ailleurs, dès 1912, avec l’introduction du système fictionnel, conscience et inconscience ne divergent pas comme deux pôles antagonistes mais tendent à converger au plan d’une même fiction directrice. Entre-temps, le concept d’inconscient évolue parallèlement à l’éloignement d’Adler de Freud : au lieu d’indiquer principalement une topique déterminée, il vise chez Adler une dimension non accessible aux fonctions cognitives, donc désigne plutôt une différence entre connaissance et non-connaissance. La référence à un différent concept de conscience, plus ‘élargie’, fait diverger l’idée d’inconscient adlérien par rapport au freudien. De cela l’introduction tardive (1933) du terme ‘incompris’, en témoigne et vient prendre la relève de l’Unbewusste. Par le paradigme holiste, Adler conçoit l’inconscient comme une fonction de la psyché et non une partie. Il est ‘l’artifice’ par lequel s’installe la rigidité des fictions qui dépendent du sentiment d’infériorité. Mais les fictions en soi – théoriquement – ne demandent pas cet artifice qui est l’inconscient.
J’ai souligné dans le livre le sens pragmatique de ce terme ‘incompris’, pour indiquer le dynamisme psychique comme passage de l’inconscient – fiction tendancieuse – à la conscience – fiction directrice – car en thérapie adlérienne l’inconscient est cliniquement le même que pour toute la psychanalyse et la psychothérapie.

Lexique Langage des Organes

Lexique Langage des Organes

LANGAGE (JARGON) DES ORGANES

(Organdialekt)

Si pour Adler la psyché est une compensation de l’infériorité des organes (1907), la perspective psychosomatique est, dès les débuts, une priorité et une caractéristique de la perception thérapeutique adlérienne : les organes expriment par leurs dysfonctionnements ce que le sujet vit, à l’intérieur comme à l’extérieur, sans en avoir forcement conscience. En 1912 (cf. Le tempérament nerveux), Adler utilise ce concept en un sens élargi pour indiquer la communication non verbale : le corps venant à parler plus clairement que les mots, le corps-qui-parle contredit volontiers le discours conscient et peut se traduire par des symptômes créés ad hoc. Le paradigme holiste porte ainsi à considérer le corps autant que la pensée dans la communication, voire parfois contre elle, mais toujours au service de la fiction directrice ou tendancieuse. Le corps prend donc toute sa place dans la relation thérapeutique autant dans la séance que dans l’analyse de la personnalité du patient et de sa pathologie.

Lexique Pouvoir Créateur

Lexique Pouvoir Créateur

POUVOIR CREATEUR

Cette formulation tardive dans la littérature adlérienne (1932), indique un concept clef présent dès le début de la théorisation adlérienne. Il affirme le troisième facteur (avec la base organique et le milieu matériel et relationnel) responsable autant de la structure psychique que de son déséquilibre pathologique et indique que l’existence de potentialités est moins déterminante que l’usage qu’en fait la personne à n’importe quel âge. L’enfant pour Adler ne se limite pas à recevoir les stimulations de son corps et à enregistrer les impressions de son microcosme familial, mais il y réagit en développant, à partir d’eux, sa propre “doxa” (opinion) et une conduite favorable à ses propres fins. C’est surtout dans ses premières années que ce pouvoir agit, alors même qu’il en vient à constituer son propre ‘style de vie’ (s. v.), et cela d’une manière inconsciente et en général émotionnelle, plutôt que dans le cadre d’une logique réaliste ou expérientielle. Adler fait de l’enfant un sujet responsable, car il peut toujours réagir à sa guise, selon ce que son entendement arrive à lui suggérer dans ce moment précis, bien qu’inexpert et nécessitant toute l’attention que son état demande.