SENTIMENT D’APPARTENANCE

(Gemeinschaftsgefühl)

Voilà une notion fondamentale dans la pensée d’Adler et très discordante même à l’intérieur des sociétés psychanalytiques adlériennes. En 1908, le concept de Gemeinschaftsgefühl est plutôt représenté par le terme Zärtlichkeitsbedürfnis (s.v.), une sorte de ‘besoin de tendresse’, comme une ‘pulsion affective’ qui rappelle l’attachement de Bowlby, et qui constitue le régulateur le plus important de la pulsion d’agression, déterminant la volonté humaine. Ensuite, par l’introduction du système fictionnel (s.v.), ce concept s’élève tout discrètement au rôle de presque instance interne au psychisme.
Gemeinschaftsgefühl est traduit en français, en italien et en anglais par sentiment social ou de communauté, (sentimento sociale o di communità, social feeling or social interest). Je retiens la traduction de ‘sentiment d’appartenance’ que le prof. Guy van Kerckhoven m’a aimablement suggérée et philologiquement argumentée, et que je décline dans ce livre. C’est la version la plus fidèle étymologiquement et la plus représentative de la distance originaire de ce concept avec tout sentiment moral lié à la société. Adler a, à plusieurs reprises, souligné que ce sentiment est la base dialectique entre individu et société, notamment dans la figure du génie, vrai moteur du changement social.
Il est important d’approfondir les résonances philosophiques de cette notion — en partant du sens commun (s.v.) d’un Kant revu par le filtre du système fictionnel (s. v. Fiction) de son grand interprète Hans Vaihinger, et en ayant recours, via Merleau-Ponty principalement, au concept de Zugehörigkeit (co-appartenance) établi par Martin Heidegger.